03/5/2024 19:00, Théâtre de L'heure Bleue, La Chaux des Fonds
Mêlant performance chorégraphique, vidéo, et musique générée en temps réel par le geste, Fragile, est une pièce en trois actes: The Fuck Facebook Face Orchestra, Desplazados et Kinecticut.
Chacune de ses trois pièces parle de la fragilité de notre société contemporaine vis-à-vis de sa fascination effréné envers la technologie.
Dans chaque acte, des musiciens mettent leur corps en scène en suivant une stricte partition de mouvement. Cette partition est à la fois un ensemble d’indications chorégraphiques, et une partition musicale, car dans chaque acte, il y a un système de production sonore qui est nourri et contrôlé par la danse. À tout moment le son suit le geste et le geste est influencé à son tour
par la musique.
Dans The Fuck Facebook Face Orchestra (premier acte) et dans Kinecticut (troisième acte), cela est réalisé grâce à une caméra infrarouge (Kinect) qui suit en temps réel le mouvement corporel des interprètes. Cette captation est traduite ensuite en signal de contrôle d’une synthèse sonore produite par l’ordinateur de chaque performer.
Dans Desplazados (deuxième acte), les musiciens qui frémissent sont enveloppés par des couvertures de survie amplifiées. Une partition de tremblements organise la production des sons. Captés par des microphones, ces sons sont ensuite traités par l’ordinateur et rediffusés dans l’espace pour créer l’atmosphère sonore de l’œuvre.
Le choix de mettre des musiciens dans le rôle de danseurs n’est pas un hasard. Leur corps n’étant pas conditionné à être mis en scène et regardé en mouvement, véhicule une certaine fragilité humaine. D’autre part, leur sensibilité musicale leur permet une maîtrise du geste guidée par la précision et la finesse de leur écoute
L’image est aussi liée étroitement avec le son et la danse. Pensée comme un triptyque, l’œuvre montre à chaque acte un tableau en mouvement. Dans le premier acte, une couche de texte générée en temps réel ajoute une dimension chaotique qui nous amène dans un univers pollué, avec une esthétique de réseau social, ou de téléconférence.
Dans le deuxième, l’image des interprètes véhicule de façon ambigüe le portrait à la fois de migrants et de victimes, pour dévoiler finalement une étonnante couche de vidéosurveillance omniprésente dans notre société d’aujourd’hui.
Dans la dernière partie, l’homme est nu face à la machine et suit ses paroles. La fragilité humaine à son climax, éclairé par la froideur de l’écran, nous évoque un sort de chiaroscuro contemporain.